Dans un contexte où l’urgence écologique pousse tous les secteurs à repenser leur modèle, l’industrie de l’optique-lunetterie française reste à la traîne en matière de recyclage. Pourtant, les enjeux sont clairs : chaque année, des millions de lunettes sont produites, vendues, pour être délaissées dans un placard par effet de mode ou nouvelle prescription. Et aujourd’hui, dans des proportions moindres, on se retrouve dans une problématique proche de celle du monde de la mode.
Les volumes d’équipements mis sur le marché excèdent largement la capacité réelle de recyclage.Et la France ne dispose toujours pas d’une filière unifiée, reconnue et soutenue pour assurer la fin de vie des lunettes.
On vous explique ici ce qui pose vraiment problème, face au recyclage des lunettes en France.
Une pluralité d’initiatives… sans cohérence
Aujourd’hui, la scène du recyclage de lunettes en France est fragmentée. Plusieurs acteurs – des entreprises, des associations, … – proposent des programmes de récupération. Mais il n’y a aucune coordination ou centralisation entre toutes les initiatives de récupération. Pour bon nombre d’initiatives de collecte de lunettes usagées, le recyclage est devenu un mot fourre-tout, utilisé comme argument marketing sans engagement concret. Il est souvent rare et difficile de savoir ce que deviennent concrètement les lunettes, quels sont les débouchés réels pour les matériaux issus de la collecte.
Nous restons en France, les seuls à tenter de structurer une filière vertueuse. Pour laquelle nous mettons un point d’honneur à développer une logique de transparence et d’impact environnemental concret.
Malheureusement, malgré l’importance et la pertinence de notre filière, Recycloptics ne bénéficie d’aucun soutien significatif, ni des grandes entreprises du secteur, ni des institutions publiques. Isolée comme les autres chaînes de récupération de lunettes, l’association peine donc à se développer.
Le silence des grands noms de l’optique

Les grandes enseignes françaises de l’optique, pourtant très présentes sur le marché et générant des bénéfices considérables, demeurent largement silencieuses ou passives face à ces enjeux. Plutôt que de mutualiser les efforts, elles choisissent d’agir dans leur coin, souvent avec des opérations de communication où le mot « recyclage » est utilisé sans réel cadre réglementaire ni preuve de résultat. Dans la plupart des cas, les lunettes récupérées ne sont pas recyclées à proprement parler, mais simplement stockées, voire envoyées dans des pays tiers sans contrôle.
Et lorsque nous les contactons, la réponse est “c’est compliqué à mettre en place”, ou bien “nous avons déjà un programme de récupération”. Ok mais quid de la suite … ?
Et c’est ce cloisonnement des initiatives qui empêche la mise en place d’une véritable filière industrielle du recyclage. Au lieu de coopérer pour construire un système centralisé, traçable et performant, chaque acteur développe sa propre méthode, souvent inefficace et non alignée avec les exigences environnementales contemporaines.
Un principe fondamental ignoré : le pollueur-payeur
Le cadre réglementaire européen repose sur un principe fort : celui du pollueur-payeur. Cela signifie que le producteur – ici, les fabricants d’équipements optiques – est responsable de la fin de vie de ses produits. En théorie, ce principe devrait forcer les marques à anticiper le recyclage dès la conception de leurs produits, et à financer les infrastructures nécessaires à leur traitement.
Sauf que … en pratique, ce n’est pas le cas ! Aujourd’hui, aucun dispositif réglementaire spécifique n’existe en France pour obliger les entreprises de l’optique à assumer cette responsabilité.
Résultat : les coûts sont laissés à la charge d’acteurs indépendants, comme Recycloptics, qui se débattent pour survivre et trouver des solutions pérennes, tandis que les grands groupes restent à l’écart, sans rendre de comptes et en continuant à surfer sur la vague du greenwashing…
Alors ici, on peut légitimement se demander pourquoi cette filière échappe encore à l’application stricte du principe du pollueur-payeur, quand celui-ci est appliqué dans de nombreux autres secteurs comme celui de la mode.

Et l’État, dans tout ça ?
Face à ces blocages, et la récente actualité pour l’association Le Relais qui a dû bénéficier du soutien de l’État pour pérenniser sa survie, il devient évident qu’un tel soutien serait essentiel dans l’industrie de l’optique lunetterie. Car à défaut d’engagement volontaire des grands acteurs privés, le soutien public devient indispensable pour structurer une filière nationale de recyclage pour l’optique-lunetterie.
Quelques questions nous viennent alors :
- Pourquoi ne pas imposer aux fabricants et distributeurs de contribuer financièrement à la fin de vie des équipements ?
- Ne serait-il pas possible de reconnaître officiellement des initiatives comme Recycloptics, avec une labellisation et des subventions ?
- Pour quelle raison un éco-organisme dédié, à l’image de ce qui est fait dans d’autres industries, n’existe pas ?
Il devient ici évident que sans une volonté politique forte, le secteur de l’industrie restera dans l’impasse actuelle, où de bonnes volontés isolées tentent de faire bouger les lignes face à l’inertie des puissants.
Un changement de pratiques s’impose !

Recycler les lunettes ne devrait plus être un argument marketing qui permet de générer encore plus de chiffre. C’est une urgence, qui doit devenir une obligation morale, environnementale et légale. Il ne s’agit pas uniquement de réduire les déchets, mais aussi de préserver les ressources (métaux, plastiques, verres) et de repenser la production dans une logique d’économie circulaire globale.
La France a les moyens de bâtir une filière de recyclage cohérente et performante pour l’optique-lunetterie. Mais cela suppose une convergence des efforts entre les pouvoirs publics, les entreprises privées et les acteurs indépendants. Sans cette coopération, les lunettes usagées continueront d’être traitées comme des déchets ordinaires.
Vous pouvez continuer à soutenir notre association, nous demandons régulièrement des subventions auprès d’organismes d’Etat comme l’Ademe. Plus l’association comptera d’adhérents, plus nous aurons de poids pour développer la filière avec l’aide de l’Etat.